L’hymne au pays natal
Le destin de Frédéric Bérat, né le 11 mars 1801 à Rouen, ne sera pas de reprendre le commerce de « cuir, huile et bleu de Prusse » comme l’aurait souhaité son père. Alors qu’il est envoyé à l’institution Sueur, on décèle chez lui des aptitudes à la musique et on lui attribue un professeur particulier qui lui enseignera les subtilités de la clarinette. Après avoir terminé ses études, il ira à Paris dans une grande maison de commerce de textile où il restera environ huit ans, puis dans les bureaux de l’ancien député Mercier.
Pendant ce temps, la chanson à succès, « J’ai perdu mon coutiau » est sur toutes les lèvres et son auteur n’est autre que son frère, Eustache devenu parolier. Le jeune Frédéric décide alors de suivre les pas de son aîné. Il étudie seul le piano, et Plantade lui enseignera l’art de la composition et la mélodie. Il va alors créer sa toute première chanson « Le petit savoyard » puis d’autres, qu’il chantera dans des cercles fermés mais rapidement, des chanteurs vont s’approprier ses œuvres qui seront très vite en vogue.
Il existe plusieurs versions de l’histoire de l’écriture de la célèbre chanson « Ma Normandie ». La plus connue dit que l’inspiration serait venue au parolier sur le bateau qui rejoint Rouen au Havre, dans la contemplation des coteaux et des berges. L’œuvre terminée, il serait retourné au Havre chez Eustache pour lui montrer son travail. Son frère y aurait déjà vu un succès. Il s’agit là d’un véritable trait de génie du chansonnier qui évoque la nature, le temps qui passe et la nostalgie du pays natal sur une musique simple. Béranger, alors le plus populaire des chansonniers de romances de l’époque, de vingt ans son ainé, se liera d’amitié avec Bérat et le prendra sous son aile. Celui-ci lui écrira une chanson : « La Lisette de Béranger » qui deviendra comme d’autres titres, un véritable succès.
Lorsque la SACEM est créée en 1851, « Ma Normandie » est l’une des premières chansons à y être déposée. Le 2 décembre 1854, le chansonnier, Frédéric Bérat âgé de 54 ans, meurt d’un cancer de la moelle épinière, et il sera enterré au cimetière du père Lachaise à Paris. Sa chanson restera dans la culture française mais également dans bien d’autres pays car non seulement elle se fait l’hymne officieuse de la Normandie mais aussi l’hymne officielle de Jersey. Des paroliers allemands estoniens ou arméniens se sont très largement inspirés de la chanson française pour écrire les leurs.